B/ Bibliographie commentée
Bibliographie commentée
Table des matières
1) Sciences de l'éducation et de la formation
1.1) Rhétoriques et politiques d'éducation: perspectives historiques
1.2) Diversité et égalité, territoires et citoyenneté
1.3) La professionnalité enseignante
2) Traductions et transformations littéraires
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1/ Sciences de l'éducation et de la formation
Garnier, Bruno, Safra, Martine [dir.], Les Compagnons de l’Université nouvelle : Histoire, mémoire et postérité, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2023.
Les Compagnons, combattants de la Grande Guerre, auteurs d’un manifeste intitulé L’Université nouvelle paru en 1918-1919, espéraient que l’Union sacrée, acquise dans les tranchées, prolongerait ses effets dans la paix en faveur d’une réforme démocratique de l’école. Cette réforme devait mettre fin à la séparation des scolarités entre deux ordres : l’école primaire gratuite et ses prolongements, pour les enfants du peuple, et l’ordre secondaire payant, autour du lycée, pour les enfants de la bourgeoisie. Ils voulaient fonder l’« école unique » pour tous, jusqu’aux formations supérieures. L’équité sociale servirait ainsi l’efficacité économique en faveur de la patrie à reconstruire. Si leur projet a connu de profondes transformations ultérieures, jusqu’au début des années 1930, au profit de la culture scientifique et de l’émancipation des masses, il est resté jusqu’à la fin fidèle à l’horizon tracé en 1918.
Le présent ouvrage revisite ce mouvement de quatre manières. Premièrement, par la mise à jour des connaissances historiques sur certains points, tels la laïcité ou l’enseignement des sciences ; deuxièmement, par la comparaison internationale avec d’autres systèmes éducatifs de la même époque ; troisièmement, par l’élargissement de l’empan historique du mouvement, mettant au jour ses racines au 19e siècle et ses avatars ultérieurs ; quatrièmement, par une approche prosopographique mettant l’accent sur quelques figures attachées à la cause des femmes, à celle de la méritocratie, à celle de la fraternité.
Ce faisant, l’ouvrage invite ses lecteurs à s’interroger sur les critères par lesquels on a pu reconnaître ce qu’était une école démocratique, depuis 1918 jusqu’à nos jours.
Garnier, Bruno, « Figures de l’Université nouvelle (1917-1932). De l’école unique et solidaire à l’égalité de chances et de droits », Bruno Garnier et Martine Safra [dir.], Les Compagnons de l’Université nouvelle : Histoire, mémoire et postérité, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2023, p. 43-62.
Les Compagnons de l'Université nouvelle, s'ils sont souvent cités, demeurent méconnus. L'objet de cet article est de clarifier ce qu'il convient de leur attribuer en propre. Héritiers de la démarche entreprise dès 1914 par le Comité Michelet et observateurs attentifs des réformes en débat outre- Rhin, les Compagnons ont jeté les bases d'une « réforme totale » de toutes les structures de ce qu'on nommait alors « l'Université », c'est-à-dire scolaires et universitaires, dans le contexte de la reconstruction de la France au lendemain de la guerre. Trois figures du discours des Compagnons émergent : premièrement l'importance de la compétition internationale des élites en temps de paix ; deuxièmement l’idée que seul l'État peut veiller à la diffusion de l'intérêt national dans toutes les couches de la société ; troisièmement, l'instruction conçue comme un bien qui doit être partagé équitablement. Pourtant l'entre-deux-guerres conduit les Compagnons à renoncer à la « réforme totale », à lui préférer celle des petits pas et à prendre davantage en considération la question sociale. Aujourd'hui si personne ne fait plus référence aux Compagnons, presque toutes les questions qu'ils avaient posées en 1918 sont encore celles que posent les ministres, les administrateurs, les acteurs, les usagers et les commentateurs de l'éducation.
Garnier, Bruno, « Former les masses et former les élites en France, entre politiques nationales et convergences internationales, XIXe – XXIe siècle », Malet Régis, Liu Baocun [dir.], Politiques éducatives, diversité et justice sociale et démocratie. Perspectives comparatives internationales, Berlin, Peter Lang, Bibliothèque d’études comparatives, Vol. 30, 2021, p. 29-47.
L’article étudie dans un premier temps les évolutions de la formation des élites, par lesquelles les élites cherchent à être reconnues comme appartenant à un groupe distinct dans la société, appelé à y exercer des fonctions dirigeantes. Les rapports entre la formation des élites et celle des masses s’ancrent dans des histoires nationales dont les racines sont profondes. L’article suit principalement cette histoire en France à travers quatre jalons au XIXe siècle concernant l’enseignement public : la tentative de Condorcet pour rendre l’égalité des citoyens compatible avec la formation des élites ; les proto-socialistes ennemis d’une séparation précoce entre la formation de l’élite et celle des masses ; l’idée d’un enseignement intégral pour les enfants de toutes origines et enfin, la critique de l’école duale consacrée par Jules Ferry.
Dans un second temps, l’article montre que cette histoire n’est pas seulement française et qu’elle s’est mondialisée dès le XVIIIe siècle. Quant au projet de démocratisation de l’éducation, on ne peut pas dire qu’il ait jamais abouti à des résultats qui soient à la hauteur des espoirs de ses concepteurs.
Garnier, Bruno, « La première guerre mondiale et la démocratisation de l’École en France : l’union sacrée au service de la réforme », Verdelhan Bourgade M. et Desachy S. [dir.], 1918 : tourner la page ?, Montpellier, Presses Universitaires de la Méditerranée, 2021, p. 145-157.
Il est banal d’affirmer que les guerres mondiales ont fourni des arguments aux réformateurs de l’école. Plus exactement les guerres mondiales, qui ont modifié des rapports de force entre nations, ont aussi faire prendre conscience du lien entre efficacité de l’éducation publique et prospérité nationale dans le cadre d’une compétition internationale. Un premier exemple, qui se situe à proximité de la fin de ce que les historiens appellent les temps modernes, est la guerre de Sept Ans (1756-1763), que les Anglais dénomment « French and Indian War ». Or la période qui suivit connut une explosion de projets de réforme de l’éducation (161 livres sur l’éducation ont paru en France entre 1763 et 1789), parmi lesquels on peut citer celui de La Chalotais, pour qui l’une des causes de la défaite devait être cherchée dans la mauvaise formation donnée dans les collèges jésuites, sans égard pour l’amour de la patrie et à l’écart des sciences et des technologies alors en plein essor.
Le lien entre la guerre de 1914-1918 et la réforme des institutions françaises d’éducation dans les discours sur lesquels nous avons travaillé (Garnier 2010) fait apparaître les mêmes problématiques fondamentales qu’au lendemain de la guerre de Sept Ans, mais dans des termes renouvelés et dans un contexte national et international entièrement différent de celui d’une France encore pourvue de castes héréditaires.
Dès les premiers jours du conflit, le 18 août 1914, Paul Fontin, trésorier général du Var, lança par voie de presse l’idée d’un cycle de conférences patriotiques dans toute la France. Gustave Demorgny, jurisconsulte, et Édouard Driault un agrégé d’histoire, professeur à l’École normale supérieure, répondirent à cet appel. Au lendemain de la victoire de
Sortis de l’enfer des tranchées avec l’idée d’une « réforme totale » destinée à construire une école démocratique, les compagnons, un groupe d’universitaires qui n’étaient ni des spécialistes de la science de l’éducation, ni des militants politiques ou syndicaux, produisirent le premier programme complet et global de démocratisation de l’école. Au lendemain de la guerre la plus meurtrière que le monde avait alors connue, les compagnons épousaient les préoccupations de nombre de leurs contemporains, en France et ailleurs en Europe. Ce n’était pas la peine d’avoir fait tuer tant d’hommes qui avaient leur vie devant eux, pour recommencer comme avant, comme si rien ne s’était passé. Il fallait construire une société plus juste.
Garnier, Bruno, « Esquisse d’une histoire de la démocratisation de l’enseignement en Europe de 1918 à nos jours », Carrefours de l’éducation n° 50, décembre 2020, p. 181-200.
Garnier, Bruno, « École unique et égalité des chances en Europe au XXe siècle », Lembre S. et Krop J. [dir.], Encyclopédie en ligne Écrire une histoire nouvelle de l’Europe, https://ehne.fr/themes-encyclopedie, mis en ligne en octobre 2019.
C’est une triste évidence de constater que les études historiques françaises sur l’éducation prenant en compte le continent européen sont rares, bien que l’histoire connectée connaisse un essor indéniable depuis plusieurs décennies. Dans le domaine de l’éducation, seuls certains thèmes tels que le rôle de l’État ou la question du genre, ont nourri des études historiques embrassant plusieurs pays. Certaines d’entre elles en ciblent seulement quelques-uns, ce qui les rattache plutôt à l’histoire comparée. Cet article ouvre quelques pistes pour les chercheurs désireux de se lancer dans une histoire thématique de l’éducation européenne, en esquissant une étude sur un sujet maintes fois abordé, mais pas encore à l’échelle du continent, auquel est adjoint le Royaume Uni : l’histoire de la démocratisation de l’enseignement, qui est ici explorée à travers quelques questions : la généralisation de scolarisations gratuites et socialement indifférenciées, l’allongement de la scolarité obligatoire, le développement de la mixité scolaire, l’articulation entre secteur public et secteur privé et la gestion pédagogique de la diversité.
L’article montre que l’histoire de la démocratisation de l’enseignement scolaire au XXe siècle est bien constituée à l’échelle européenne. Une telle histoire doit simultanément repérer des convergences sur le long terme et opérer, sur l’axe diachronique comme sur l’axe synchronique, une série de distinctions relatives aux problématiques contributives de cette question générale sur ses différents territoires et aux différents moments de son histoire.
Garnier, Bruno, Le Système éducatif français. Grands enjeux et transformations. Paris, Dunod, 2019, 342 p., ISBN 978-2-10-080108-4.
Garnier, Bruno, Les grands enjeux du système éducatif français, 2e édition refondue, Paris, Dunod, 2017, 342 p ., ISBN 978-2-10-076352-8.
Garnier, Bruno, Les grands enjeux du système éducatif français, Paris, Dunod, 2015, 325 p ., ISBN 978-2-10-071562-6.
Cet ouvrage se propose les objectifs suivants :
- Expliciter les grands enjeux des mutations auxquelles l’école et ses principaux acteurs sont confrontés : la décentralisation, l’autonomie des établissements scolaires, la refondation de l’école, etc.
- Prendre le recul historique nécessaire pour comprendre le sens des évolutions qui affectent le système éducatif français aujourd’hui.
- Situer les évolutions du système éducatif français par rapport aux enjeux portés par la compétition internationale en matière d’éducation et de formation.
- Actualiser les principes fondateurs de l’école républicaine, l’égalité des chances, la lutte contre les discriminations et les fractures sociales et culturelles, l’épanouissement de la personne, la socialisation, la laïcité, la formation citoyenne, le lien social, l’insertion professionnelle des jeunes.
- Identifier les points de tension ou de blocage, les facteurs d’immobilisme, les malentendus au sein de la société française, au sein de la communauté éducative.
- Comprendre le sens des réformes proposées dans la période récente.
- Identifier les liens de complémentarité et de solidarité entre les degrés d’enseignement (primaire, secondaire, supérieur) et entre les formes de scolarisation (formelle, informelle, formation tout au long de la vie).
Ce livre aborde tous les points fondamentaux, permettant de saisir les défis auquel est confrontée l’école du XXIe siècle.
Garnier, Bruno, « “Écoles autrement” contre “forme scolaire” : retour sur quelques moments de l’histoire de la démocratisation de l’enseignement », Richard Étienne, Jean-Pierre Fournier [dir.], Des alternatives à l’école ?, Les Cahiers pédagogiques, n° 547, Septembre 2018, p. 12-13.
Pour nombre d’observateurs, la forme scolaire en France est aujourd’hui devenue « un espace coupé du monde extérieur ayant de plus en plus de mal à gérer les difficultés scolaires et l’hétérogénéité des publics. Cette forme scolaro-centrée, oubliant tout ce qu’il y a autour de l’école, participe au développement des inégalités. Bien que toujours dominatrice par son énorme pouvoir de qualification, la forme scolaire se voit concurrencer, non seulement par des écoles autres, mais aussi par des rapports au savoir autres qu’à l’école, qui relèvent notamment de l’éducation informelle, comportant des contenus étroitement liés à la vie de la société, des individus et des communautés, en rapport avec des phénomènes sociaux et culturels, religieux, voire obscurantistes, souvent combattus par l’école avec plus ou moins de réussite. Or le temps passé par l’élève devant l’enseignant (environ 900 heures en primaire et, à la rentrée 2017, environ 140 jours sur 365) est inférieur à celui passé devant la télévision, internet ou autres supports multimédias. Est-ce l’école qui va devenir, dans la vie des enfants et des adolescents, une modalité d’apprendre autrement vis-à-vis des savoirs et des croyances qui les imprègnent ?
Garnier, Bruno, « La forme scolaire : le temps des grandes mutations », Jean-Yves Seguy [dir.], Variations autour de la “forme scolaire” : Mélanges offerts à André D. Robert, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 2018, p. 315-320.
À la suite de toutes les « variations » sur la forme scolaire réunies en forme d’Offrande musicale à notre collègue et ami André Robert, il peut être aventureux d’en ajouter une autre en guise de postface. Nous voudrions plutôt tenter de tirer d’un travail collectif à paraître prochainement quelques points de tension et de re-problématisation à propos de la forme scolaire, qui permettent de douter qu’elle soit aussi solide et durable que pourrait laisser croire son emprise sur la vie des individus dans et en dehors des institutions d’enseignement. [...]
Garnier, Bruno [dir.], L’éducation informelle contre la forme scolaire ?, Carrefours de l’Éducation, n°45, juin 2018.
Garnier, Bruno, « L’éducation informelle contre la forme scolaire. Note de synthèse », Carrefours de l’éducation n°45, juin 2018, p. 67-91.
L’impératif d’efficacité économique conduit-il l’institution scolaire à remettre en question la forme qui lui a été donnée depuis trois siècles ? La forme scolaire est-elle condamnée à céder la place à des modes d’éducation informelle prenant en compte le contexte social et économique local ?
Après l’impulsion donnée par les organisations internationales au développement économique des anciens pays colonisés, le domaine de l’éducation a eu recours à la trilogie formel, non-formel, informel, mais toutes les sociétés, riches ou pauvres, ont développé des modalités éducatives relevant de l’éducation informelle. Si l’éducation formelle se caractérise par la décontextualisation des savoirs, le lien entre étude et travail productif implique que l’éducation informelle soit contextualisée. De son côté Guy Vincent a défini les invariants de la forme scolaire, qu’il fait remonter aux écoles chrétiennes du XVIIe siècle, et la production de disciplines scolaires qui sont autant des séparations conventionnelles de champs du savoir que des moyens de moraliser les esprits.
Aujourd’hui, les ressorts des apprentissages informels sont devenus incontournables dans la conception des parcours de formation, de la petite enfance à l’âge scolaire et tout au long de la vie. L’appréhension de la complexité des savoirs indispensables pour comprendre la complexité du monde paraît de moins en moins à la portée exclusive de l’éducation formelle, et la socialisation se fait de plus en plus au travers d’expérimentations entre pairs, par les usages de l’internet et des réseaux sociaux, c’est-à-dire par l’éducation informelle. Dès lors se pose la question de savoir si le salut de la forme scolaire aujourd’hui en crise mais toujours dominatrice reposerait sur une meilleure prise en compte des apprentissages informels.
Le rapport dialogique dans lequel sont entrées ces deux notions pourrait-il faire en sorte que la forme scolaire, sous l’influence de l’éducation informelle, deviendrait capable de favoriser la socialisation démocratique des futurs citoyens dans un monde complexe ?
Garnier, Bruno, « Louis Legrand (1921-2015) dans l’histoire de la démocratisation de l’enseignement : ruptures et continuités », Loïc Chalmel [dir.], Louis Legrand (1921-2016) Pédagogie et politique, Paris, L’Harmattan, 2018, p. 121-153.
Louis Legrand fut, jusqu’à nos jours, l’un des derniers représentants d’une longue tradition de pédagogues à avoir été sollicité – sans être pour autant toujours écouté – par ceux qui prenaient des décisions politiques en éducation. Le présent article propose une prise de recul historique d’un peu moins d’un siècle pour situer Louis Legrand dans une tradition qu’il a contribué à prolonger en l’incorporant à une pensée originale et féconde, qu’il a tenté d’adapter aux vicissitudes politiques, sociales et économiques du monde des années 1970 et 1980.
Aujourd’hui encore, il y a des pédagogues : mais ils n’ont ni les moyens ni l’audience dont bénéficiait Louis Legrand pour mener des recherches et en faire connaître les résultats. Cependant, l’évincement de la pédagogie se retourne parfois contre les gouvernements. En témoignent l’embarras des politiques face à la montée de l’Islam radical des années 2010 et les difficultés que rencontrent les enfants de l’immigration : Comment enseigner la laïcité ? La sélection d’une élite compétitive et le développement de l’employabilité des individus n’épuisent pas, ni ne constituent le cœur de métier d’une école démocratique.
Aucun pays ne peut aujourd’hui se priver, sans en payer un jour le prix, d’une réflexion pédagogique capable de penser en même temps le malheur des quartiers de grande précarité sociale et la formation d’élites multiples, et de faire exister le sentiment d’appartenance des citoyens à une société fondée sur des valeurs communes.
Garnier, Bruno, « Le legs de la Révolution », Gilles Candar, Guy Dreux et Christian Laval [dir.], Socialismes et éducation au XIXe siècle, Lormont, Le bord de l’eau, 2018, p. 15-37.
Existe-t-il une école socialiste ? Existe-t-il une éducation socialiste ? Cette question ne peut être tranchée sans un mouvement rétrospectif explorant l’origine d’un possible croisement entre l’émergence, le développement du socialisme, d’une part, et d’autre part, le projet de fonder une école qui ne consacre pas seulement le principe d’égalité d’éducation en droit, mais une école qui participe à la transformation radicale de la société. Ce chapitre apporte une contribution à cette démarche historique en s'intéressant à la convocation, par les porteurs socialistes d’une réforme de l’école entre 1830 et 1914, de l’héritage de la Révolution française de 1789-1794.
Garnier, Bruno, « École et démocratie en France (XXe - XXIe siècle) », Catherine Wihtol de Wenden [dir.], La formation des jeunes, revue trimestrielle Après-demain, n°40, octobre 2016, p. 6-8.
L’école démocratique ne peut guère être définie sans le secours de l’histoire. Or en France, le XIXe siècle est marqué par l’édification de deux ordres scolaires séparant les enfants du peuple et ceux de la bourgeoisie. Depuis la fin du XIXe siècle, peu à peu, à l’égalité de l’offre d’éducation a succédé l’idée d’une égalité des chances individuelles de s’épanouir dans la société.
Cependant, les réformes qui ont abouti au système éducatif français d’aujourd’hui n’ont pas réalisé l’école démocratique imaginée dans la période précédente. Les dernières évaluations internationales montrent que la France est un pays où le déterminisme social joue un rôle majeur. Or si l’égalité des chances s’avérait durablement être un mensonge pour les vaincus de la sélection méritocratique, c’est le lien social qui s’en trouverait menacé, car l’école démocratique doit aussi fonder le sentiment d’appartenance à une société inclusive pour tous.
Garnier, Bruno et Pierre Kahn [dir.], Éduquer dans et hors de l’école. Lieux et milieux de formation, XVIIe-XXe siècles, Rennes, PUR, 2016, 285 p., ISBN 978-2-7535-5061-2.
Garnier, Bruno, Kahn, Pierre, « Institutions et milieux d’éducation (XVIIeXXe siècle) : concurrences, complémentarités, influences », Garnier, Bruno et Pierre Kahn [dir.], Éduquer dans et hors de l’école. Lieux et milieux de formation, XVIIeXXe siècle, Rennes, PUR, 2016, p. 10-35.
Si l’école scolarité a constitué, depuis le XVIIe siècle, en France mais dans de nombreux autres pays, le cadre d’une étape de plus en plus ordonnée de la vie des enfants et des jeunes, à côté d’elle et souvent au-delà, ont coexisté et continuent d’exister d’autres formes et d’autres milieux éducatifs.
Outre les familles, il faut mentionner divers acteurs, religieux ou professionnels, privés ou publics, communautaires ou nationaux, prétendant eux aussi à une efficacité éducative (Églises, armée, médecine, monde économique et monde du travail, pouvoirs politiques, etc.).
L’ouvrage se propose de procéder, à travers quatre parties thématiques, à l’exploration historique de situations de coopération et de concurrence entre l’école et ces différents espaces éducatifs, en France et dans plusieurs autres pays, ainsi qu’à l’étude des rapports entre l’institution scolaire et les différents environnements culturels des enfants qu’elle scolarise.
Parler de « l’éducation dans et hors l’école », c’est donc s’intéresser à diverses façons dont, historiquement, milieux éducatifs scolaires et non scolaires ont pu se rencontrer, s’articuler, s’influencer ou au contraire se démarquer les uns des autres.
Robert, André D. et Garnier, Bruno [dir.], La pensée critique des enseignants. Éléments d’histoire et de théorisation, Le Havre, Presses Universitaires de Rouen Le Havre, 2015, 284 p., ISBN 979-10-240-0575-1.
Garnier, Bruno, « Les conditions d’émergence de la pensée critique enseignante (1890-1920) », André D. Robert, Bruno Garnier [dir.], La pensée critique des enseignants, Le Havre, Presses Universitaires de Rouen Le Havre, 2015 collection Penser les valeurs en éducation et en formation, p. 27-41.
Garnier, Bruno, « La pensée critique réalisée dans le discours », André D. Robert, Bruno Garnier [dir.], La pensée critique des enseignants, Le Havre, Presses Universitaires de Rouen Le Havre, 2015 collection Penser les valeurs en éducation et en formation, p. 265-274.
L’ouvrage entend combiner la prise en compte d’un temps relativement long avec celle du temps présent pour appréhender les diverses manifestations d’une « pensée critique » des enseignants en relation avec différents moments significatifs.
A la fin du XXe et au début du XXIe siècles, la mondialisation débouche sur une économie-monde de dimension planétaire. Plus que précédemment, en intégrant l'ensemble de la planète dans une logique économique libérale qui génère beaucoup d’inégalités, elle fait se lever de vifs débats à l'échelle du globe, touchant aux modes d'organisation du monde, aux échelles géographiques d'articulation et de régulation, et à la survie même de ce monde (Carroué, 2004). Si, dans ses phases antérieures, la mondialisation ou, à tout le moins l’internationalisation, abritait de la pensée critique en provenance des enseignants, comme individus et comme groupe, elle n’était pas au cœur de cette critique, ce qui semble plus systématiquement être aujourd’hui le cas.
Nous n’entendons pas exactement « pensée des enseignants » au sens de F. Tochon, pour qui il s’agit d’une pensée professionnelle située, touchant essentiellement aux pratiques d’enseignement dans la classe (encore que cette dimension ne soit pas à bannir de notre réflexion, à condition de l’inclure dans une vision plus globale de l’école - Tochon, 2000). La notion de « pensée enseignante » ou des enseignants, telle qu’utilisée ici, concerne la conception de l’institution scolaire et de ses finalités, possiblement saisie dans telle ou telle de ses composantes. Ce que recouvre par ailleurs le concept de pensée critique doit être entendu en un sens plus fort que les seules protestations et revendications passant par le canal des pratiques syndicales et politiques ordinaires. Par pensée, nous entendons ici un type de discours qui relève d’une véritable élaboration intellectuelle, rationnelle, procédant de la mise en cohérence, voire en système logique, d’arguments et d’idées, et non de simples opinions, en l’occurrence en matière éducationnelle. En articulation avec cette définition, « critique » renvoie à la tendance d’un esprit qui n’admet aucune affirmation sans en avoir éprouvé la légitimité rationnelle précisément, passant les diverses propositions discursives dans tel ou tel domaine au tamis de la raison discriminante (en grec ancien crinein, d’où provient le français « critiquer » = trier). La construction de la distance et de l’extériorité, à condition de se soumettre aux exigences de l’argumentation rationnelle, se trouve donc au fondement de toute pensée critique, au sens où l’entendait par exemple Adorno : « Lorsque la culture est acceptée dans son ensemble, elle a perdu le ferment de sa vérité, la négation » (Adorno, 1955).
À la fin du XIXe siècle, des enseignants commencèrent à s’organiser et à se réunir dans des congrès internationaux dans lesquels ils firent entendre une voix critique, qui put s’appuyer sur une pensée, voire se constituer en pensée critique ou alternative, qu’on étudiera. Sans viser à l’exhaustivité (mais plutôt en procédant à des carottages au cours du XXe siècle), l’ouvrage nous conduit jusqu’à l’époque la plus contemporaine où sont interrogés les rapports entre la pensée des enseignants et la globalisation néolibérale (forme actuelle de la mondialisation).
Adorno, Theodor W., Prismes. Critique de la culture et de la société, Paris, Payot, trad. 1986, rééd. 2003.
Carroué, Laurent, « Contribution à La mondialisation en débat », dossier n° 8037, La Documentation photographique, Paris, La Documentation française, 2004.
Tochon, François, « Recherche sur la pensée des enseignants : un paradigme à maturité », Revue française de pédagogie, n° 133, 2000.
Bruno Garnier, « Qu’est-ce qu’une école démocratique ? Perspectives historiques en France du XXe au XXIe siècles (1900-2014) », Núria Simó, Jordi Feu [dir.], Democràcia i educació al segle xx, Educació i Història, Revista d’Història de l’Educació, n°25, janvier-juin 2015, p. 43-67.
Il est difficile de définir l’école démocratique sans recourir à une mise en perspective historique. Ni l’étymologie, ni la philosophie ne sont en mesure de nous fournir une définition stable. Si la démocratie est proprement le gouvernement du peuple, comment peut-on définir une école démocratique ? Est-ce une école soumise au pouvoir politique exercé par le peuple ? Est-ce une école séparée du pouvoir politique, à l’image de la justice ? Est-ce une école qui prépare les enfants du peuple à l’exercice de la citoyenneté ? Est-ce une école qui se caractérise par l’égalité de l’offre d’éducation ? La démocratie est un concept généralement situé dans le sillage des philosophes du contrat, notamment Samuel von Pufendorf, Christian Wolff et Jean-Jacques Rousseau, qui, au XVIIIe siècle, ont exploré les voies par lesquelles une société démocratique doit être fondée sur l’expression de la volonté générale, et ne reconnaître d’autre souveraineté politique que le corps des citoyens dans son ensemble. Or aucun de ces philosophes, et notamment pas Jean-Jacques Rousseau, n’a associé à sa conception de l’égalité des citoyens en droits une quelconque égalité des citoyens devant l’éducation.
Garnier, Bruno, « Réforme de structure ou de posture ? », Celine Walkowiak, Francis Blanquart, Jean-Michel Zakhartchouk [dir.], Vers l’école du socle, Les Cahiers pédagogiques, n°515, Septembre 2014, p. 44-46.
« Le socle commun est un acte refondateur qui engage l’institution scolaire dans son ensemble ». Cette phrase n’est pas tirée de la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, mais de la définition du premier socle commun, celui qui accompagnait la loi d’orientation de 2005. Quels peuvent bien être les enjeux de ce projet refondateur, initié sous une majorité de droite et relancé sous une majorité de gauche huit ans plus tard ?
Il faut faire crédit à la nouvelle appellation du « socle commun de connaissances, de compétences et de culture », inscrit dans la loi de 2013, de vouloir reprendre le flambeau d’un progrès démocratique. Mais cela implique une « culture » qui soit inclusive de la diversité des personnes et des savoirs disciplinaires, qui aide à sortir du piège de la dévalorisation des études professionnelles tout autant que des discriminations de genre, d’origine sociale, de religion, de couleur de peau ou de territoire. La culture commune doit aider les élèves à orienter leur parcours personnel dans le monde social, culturel et économique qui les attend.
Le socle commun est pensé pour rendre le collège unique plus démocratique, pour ne pas l’abroger, mais certainement pas pour ne rien changer. Aujourd’hui, alors que la France est une démocratie depuis près d’un siècle et demi et qu’elle offre à tous un enseignement obligatoire jusqu’à 16 ans, des lycées dans toutes les villes moyennes, des premiers cycles universitaires qui comptent parmi les moins chers du monde, comment peut-on accepter que le système éducatif français recrute encore massivement l’élite scolaire au sein de l’élite sociale ? C’est toute l’ambition du socle commun : une mobilisation générale, pédagogique plutôt qu’administrative, pour en finir avec l’injustice sociale sur laquelle la dernière majeure de PISA 2012 a épinglé l’école française.
Garnier, Bruno, « La singularité de l’élève au centre de l’école », Réforme des ZEP, L’Humanité n°21560, Jeudi 4 décembre 2014, p. 14.
Garnier, Bruno, « Faut-il maintenir l’Éducation prioritaire ? », Interview pour Le Café Pédagogique, Propos recueillis par Gilbert Longhi, http://www.cafepedagogique.net/lexpresso, 04/11/2014.
Il faut se souvenir que la mise en place des zones d’éducation prioritaires en 1981 au début du septennat de François Mitterrand, correspondait à la finalité de l’égalité des chances pour les enfants de tous les milieux. Au nom de cette finalité, on a décidé de donner plus de moyens aux établissements dont la population scolaire était moins favorisée.
Mais aujourd'hui l’école française, en dépit des coûteux dispositifs de son éducation prioritaire, censés réduire les écarts de réussite scolaire entre enfants de milieux sociaux divers, ne cesse d’augmenter les inégalités scolaires entre enfants socialement favorisés et défavorisés. Il y a donc un grand chemin à parcourir si l’on veut corriger l’impact des inégalités sociales et économiques sur la scolarité des élèves.
Toute la question est alors de savoir s’il faut persévérer dans la démarche de l’éducation prioritaire telle qu’elle existe aujourd’hui, c’est-à-dire dans l’idée qu’il faut donner plus, en termes d’éducation, à ceux qui ont moins, sur les plans sociaux, culturels et économiques, sur un territoire donné. Il est bien difficile de ne pas reconnaître le bien-fondé d’une telle démarche. Mais cette louable intention peut produire une école à deux vitesses. Implantées le plus souvent dans des quartiers périurbains de grande précarité où les difficultés sont nombreuses, les zones d’éducation prioritaire et autres réseaux analogues doublent souvent la ségrégation sociale d’une ségrégation scolaire spécifique.
Actuellement, deux éléments essentiels sont oubliés : d’abord la notion de projet. Ensuite, paradoxalement, le partenariat, qui est évoqué implicitement dans quatre priorités sur les six affichées par le ministère, ne mentionne ni les politiques ni les acteurs de la ville. Ces deux facteurs doivent être articulés ensemble parce qu’à eux deux, ils constituent la principale raison pour laquelle il faut conserver une éducation prioritaire située dans des territoires et non pas seulement fondée sur des seuils scolaires et des critères sociologiques.
Garnier, Bruno, « La rentrée (15 septembre 1917) » ; « Grande tâche et petit salaire (4 mai 1918) » ; « Les Compagnons (5 octobre 1918) », Laurent Gutierrez [dir.], Éduquer au patriotisme par l’illustration. L’apport de Lucien Métivet, Neuilly-sur-Seine, Arts Négatifs, 2014, p. 20-21 ; 52-53 et 68-69.
Laurent Gutierrez a eu la très heureuse initiative de publier l’ensemble des dessins dus à Lucien Métivet dans une célèbre revue de la fin de la première guerre mondiale : L’école et la vie. J’avais personnellement retrouvé et commenté plusieurs de ces dessins dans mon édition critique des Compagnons de l’Université nouvelle, en 2008 (voir ci-dessous). C’est donc avec plaisir que j’ai répondu à la sollicitation qui m’était faite par Laurent Gutierrez. En l’occurrence, les dessins de Lucien Métivet présentent, pour l’historien, l’incomparable mérite de signaler ce qui, dans la nébuleuse des projets de réforme de l’école de la fin de la Grande Guerre, avait véritablement franchi la niveau d’un public élargi à l’ensemble des acteurs du monde scolaire d’alors, devenant quasiment des lieux communs. Telle était l’idée, chère aux Compagnons, de prolonger les fruits de l’Union sacrée dans une école unique capable d’accueillir les fils et les filles de toutes les catégories sociales que la guerre avait jetées dans les tranchées.
Garnier, Bruno, « Reforma, revolución e interes categoriales : los límites del pensamiento crítico docente (1890-1920) », Julieta Espinosa, André D. Robert [dir.], Epistemología social, pensamiento crítico. Pensar la educación de otra manera, Mexico, Universidad Autónoma des Estado de Morelos – Juan Pablos Editor / Lyon, École doctorale EPIC – Université de Lyon, 2014, p. 213-231.
Le début du 20e siècle est marqué par la floraison des critiques à l’égard des ordres scolaires séparés et par celle des projets de réforme de l’enseignement, une quinzaine d’années après l’application des lois organiques de Jules Ferry. Cette période est en effet celle où les voix réformistes et les voix révolutionnaires se font entendre fortement sur les thèmes de l’égalité devant l’enseignement, de la défense de la laïcité, de la séparation de l’Église et de l’État, face aux partisans du statut quo et face aux partisans de la liberté de l’enseignement et de l’enseignement privé. Cependant, si les enjeux et les positions des débats sont assez bien établis, l’étude des discours politiques en éducation durant la période comprise entre 1900 et 1920 est confrontée à deux écueils : 1/ la prégnance du discours des ténors politiques sur ceux des acteurs de l’éducation ; 2/ la place accordée à la première guerre mondiale.
Garnier, Bruno [dir.], Problèmes de l’école démocratique : XVIIIe – XXe siècles, Paris, CNRS Editions, 2013, ISBN 978-2-271-07613.
Garnier, Bruno, « Introduction. Les aptitudes au cœur de l’école démocratique : entre objectif d’efficacité et objectif d’équité », Problèmes de l’école démocratique : XVIIIe – XXe siècles, Paris, CNRS, 2013, p. 7-27.
Garnier, Bruno, « À la préhistoire de l’égalité devant l’instruction : Les plans d’éducation nationale des années 1762-1788 », Problèmes de l’école démocratique : XVIIIe – XXe siècles, Paris, CNRS, 2013, p. 31-58.
Égalité des chances, carte scolaire, refondation de l’école, formation des maîtres : autant de sujets qui cristallisent la polémique dans notre pays et divisent l’opinion. Autant de réformes qui semblent s’accumuler et brouillent la perspective. Seule une étude sur la longue durée permet d’éclairer l’histoire de l’école à la française, c’est l’ambition de ce livre qui interroge le projet et la portée d’une éducation démocratique, placée sous l’autorité de l’État du 18e siècle à la fin du 20e siècle. L’élargissement de l’éducation fut, dans un premier temps, lié à la recherche de la prospérité collective puis à l’émancipation des personnes considérées comme initialement dépendantes de leur origine sociale. C’est ce dernier aspect, les discordances ou les dérapages entre la recherche de l’efficacité et l’objectif d’équité, qui est ici plus particulièrement étudié et illustré par des épisodes significatifs : lois scolaires de Jules Ferry, polémique sur l’hérédité des aptitudes, position du parti communiste sur l’école démocratique, passage des « aptitudes » aux « compétences » en 1968, création du collège unique… Jalons essentiels de la question scolaire qui se confond avec l’histoire de la République.
Garnier, Bruno, L’égalité en éducation, Repères pour les concours et l’exercice des métiers de l’enseignement et de l’encadrement de l’éducation, Paris, Ophrys, 2012, ISBN 978-2-7080-1356-8.
Cet ouvrage est un manuel, pour les étudiants, les candidats à de nombreux concours de l’éducation nationale, leurs formateurs, mais aussi les usagers du système éducatif français soucieux d’égalité. Il aborde notamment les questions suivantes :
Entre équité et efficacité : comment définir une éducation démocratique au temps de la mondialisation ?
L’égalité en éducation au-delà des slogans : un défi pour la démocratie au XXIe siècle.
L’école pour chacun et l’école pour tous sont-elles possibles ? Les nouveaux paradigmes de l’égalité en éducation
Repenser l’égalité devant l’enseignement à l’heure de la mondialisation.
Garnier Bruno, « L’Éducation nouvelle dans l’école unique : Le combat de Maurice Weber », Réformer l’école, L’apport de l’Éducation nouvelle (1930-1970), Gutierrez, Laurent, Besse, Laurent, Prost, Antoine [dir.], Presses Universitaires de Grenoble, 2012, p. 113-125.
Maurice Weber fut l’un de ces hommes de conviction, qui poursuivit avec l’énergie du désespoir le projet de construire une société plus juste, en un temps où la jeunesse était rare, les finances publiques ruinées, et la volonté politique atone. Le temps des réformes vint, sans lui, mais sur les fondations qu’il avait contribué à construire.
Garnier, Bruno, « Multiculturalisme et insécurité linguistique en éducation dans l’espace méditerranéen », Symposium conçu et présidé par Bruno Garnier, « Multiculturalisme et insécurité linguistique en éducation dans l’espace méditerranéen », IXe congrès de l’AISLF Penser l’incertain, Rabat, 2-6 juillet 2012.
La problématique de l’insécurité linguistique peut s’entendre au plan des individus, qui ressentent parfois douloureusement la fragilité sociale que leur impose le simple fait de parler une langue plutôt qu’une autre, ou une langue mieux qu’une autre. Dans l’environnement plurilingue qui est celui de tous les pays de l’espace méditerranéen, toutes les langues pratiquées dans un pays donné ne permettent pas d’accéder aux mêmes biens sociaux.
Garnier, Bruno, « La pensée critique enseignante dans le premier quart du XXe siècle : Considérations méthodologiques », International Conference ISCHE 34, Genève, 28-29 juin 2012.
La contribution s’est concentrée sur une série de questions d’ordre général.
1/ Y a-t-il une pensée enseignante, aux époques considérées ?
2/ Si elle existe, y a-t-il dans cette pensée enseignante, une pensée critique ? C’est-à-dire, exprime-t-elle un jugement critique sur la fonction de l’université, selon le vocable de l’époque ?
3/ S’il existe, en quoi ce jugement critique est-il propre à cette catégorie d’acteurs que sont les enseignants ? Quel est son degré d’autonomie par rapport aux discours politiques, quelle est sa capacité de résistance à l’imposition ou à la simple traduction de discours construits par les producteurs institutionnels et sociaux de jugements politiques ?
Garnier, Bruno, « Pensée enseignante et démocratisation au début du XXe siècle : Les termes d’un malentendu (1900-1930)», Colloque international du CREAD, Formes d'éducation et processus d'émancipation, Rennes, 22-24 mai 2012.
La pensée critique des instituteurs du début du XXe siècle ne peut pas se réduire à la seule défense de leurs intérêts corporatifs. Cette pensée dénonce l’abandon de l’idéal républicain par le pouvoir en place. Les instituteurs souhaitent voir reculer les inégalités des enfants devant l’instruction, mais ici le projet égalitaire entre en tension avec la structuration impérieuse de leur identité professionnelle.
Garnier, Bruno, « Jalons pour une histoire contemporaine du droit à l’éducation : L’exemple de l’école républicaine en France, 1880-2010 », Pampanini, Giovanni, [Dir.], Comparing the Right to Education Policies, Methodological Issues, Catania, CUECM, 2011, p. 45-53.
La constitution d’une méthodologie de la comparaison des systèmes éducatifs nécessite un regard historique. Les formes d’État de chaque pays, l’histoire des institutions publiques d’éducation, l’histoire du droit et des droits de l’homme dans chaque pays constituent un préalable à toute comparaison internationale. L’objet de cette contribution consiste à établir, à travers le cas français, une périodisation des étapes la reconnaissance des droits à l’éducation, qui a connu une période de croissance jusqu’aux années 1950, puis une lente période de décroissance. Ce qui peut être utile à la comparaison avec d’autres pays est ici moins la datation des phases de cette évolution que leur nature et l’ordre de leur succession.
Garnier, Bruno, « L’émergence de l’égalité des chances dans le discours sur l’école unique (1918-1932) », Desponds, Didier [dir.], Pour en finir avec l’égalité des chances, Refonder la justice sociale, Paris, Atlande, 2011, p. 27-36.
Garnier, Bruno, « Université nouvelle et éducation nouvelle sur la route de l’égalité des chances (1918-1933) », Gutierrez, Laurent [dir.], Histoire du mouvement de l’Education nouvelle, Carrefours de l’Éducation n°31, Janvier-juin 2011, p.23-39.
Au début de leur histoire, les Compagnons de L’Université nouvelle pensaient que le rapprochement de tous les enfants sur les mêmes bancs constituerait un progrès démocratique suffisant. De ce principe découlait le faible intérêt des Compagnons de 1918 pour les pédagogies actives et pour le mouvement de l’Éducation nouvelle. Au plan pédagogique, les premiers Compagnons n’étaient pas en relation avec le milieu universitaire de la science de l’éducation, et sur le plan social, ils apparaissaient peu sensibles aux intérêts matériels des classes laborieuses de la société.
Mais les années 1920 voient le retour d’une politique conservatrice avec les décrets du ministre Léon Bérard. Dans ces circonstances, l’association des Compagnons de L’Université nouvelle s’engagea en faveur des pédagogies nouvelles et de l’égalité des chances des enfants de toutes origines, au moment où, dans les instances dirigeantes de leur association, les professeurs d’humanités cédaient la place à un noyau d’hommes de sciences.
Garnier, Bruno, Figures de l’égalité : Deux siècles de rhétoriques politiques en éducation (1750-1950), Bruxelles, Academia Bruylant, Coll. Thélème, 2010, 436 p., ISBN 978-2-87209-978-8.
L’égalité n’a cessé, entre les projets de la Révolution française et le plan Langevin-Wallon, d’être appelée à la fois en tant que justification, comme principe de droit, et en tant que moyen d’application, comme mode de distribution d’un bien appelé tantôt éducation tantôt instruction. L’objet de cet ouvrage est de caractériser l’égalité en éducation, d’analyser les conditions historiques de sa convocation dans les discours politiques et d’étudier les évolutions qui l’ont affectée dans le temps, du milieu du XVIIIe au milieu du XXe siècles.
Garnier, Bruno, « Paul Langevin et les Compagnons de l’Université nouvelle », Gutierrez, Laurent, Kounelis, Catherine [dir.], Paul Langevin et la réforme de l’enseignement, Presses Universitaires de Grenoble, 2010, p. 37-53.
Garnier, Bruno, « Les rhétoriques inégalitaires et eugénistes », Séminaire de recherche, UMR Éducation et Politiques Lyon, INRP, 14 mai 2009
Garnier, Bruno, « Efficacité de l’École et égalité des chances : Naissance, développement et crise d’un modèle rationnel d’école juste », Efficacité et Équité en Éducation, Colloque international de l’AECSE, Rennes, 19-21 novembre 2008.
Garnier, Bruno, Les Compagnons, L’Université nouvelle, Édition critique par Bruno Garnier, Lyon, INRP, 2008, 385 p., ISBN 978-2-7342-1115-0.
Garnier, Bruno, Les combattants de l’école unique : Introduction à l’édition critique de L’Université nouvelle par ‘les Compagnons’, des origines à la dispersion du groupe (1917-1933), Préface de Jean-Louis Derouet, Lyon, INRP, 2008, 354 p., ISBN 978-2-7342-1109-9.2007.
Les questions qui ont été posées au début du XXe siècle à partir des effets produits par la généralisation de l’enseignement primaire sont reprises avec une grande acuité à une de ces périodes où l’on peut prétendre non seulement réformer, mais refonder la société : l’époque de la reconstruction de la France au lendemain de la 1ère guerre mondiale. Elle est l’occasion, sous la plume des Compagnons de L’Université Nouvelle, d’une vigoureuse synthèse des missions de l’école et de la volonté de créer l’école unique pour reconstituer le capital humain de la France tout en affirmant promouvoir les valeurs de justice et d’égalité. Ce groupe de jeunes enseignants qui a vécu la terrible expérience des tranchées, avait pris conscience de la vacuité du droit formel qui a été proclamé par les révolutions libérales de la fin du XVIIIe siècle, égalité formelle qui ne permet pas d’aboutir à un traitement équitable des individus dans le système scolaire.
Garnier, Bruno, « Politiques et rhétoriques de l’École juste : Introduction », Garnier, Bruno [dir.], Politiques et rhétoriques de l’ « École juste » avant la cinquième République, Revue Française de Pédagogie n°159, avril-juin 2007, p. 35-46.
Garnier, Bruno, « Les fondateurs de l’école unique à la fin de la 1re guerre mondiale L’Université nouvelle, par les Compagnons », Garnier, Bruno [dir.], Politiques et rhétoriques de l’ « École juste » avant la cinquième République, Revue Française de Pédagogie n°159, avril-juin 2007, p. 35-46.
Garnier, Bruno, « L’impossible union sacrée dans la paix : L’école unique et les rhétoriques de l’inégalité dans l’après première guerre mondiale », Séminaire de recherche, UMR Éducation et Politiques Lyon, INRP, 26 juin 2007.
Le regard critique que l’on porte aujourd’hui sur l’école s’applique essentiellement à la question de savoir ce que devrait être une « école juste ». Or le modèle d’un système éducatif unifié et justifié par la sélection méritocratique est interrogé de toutes parts, et l’on voit ressurgir des questions qu’on croyait tranchées depuis l’instauration du collège unique. L’objet du présent dossier est d’étudier la période qui a précédé la mise en place institutionnelle du système éducatif français actuel. Il s’agit de montrer que l’objectif général de l’égalité des chances a pu être pensé en dehors de ce processus d’uniformisation. Car notre conception moderne de l’école juste n’est pas celle qui a prévalu dans la période où la question de l’égalité des chances a été posée pour la première fois en France. L’école des débuts la IIIe République et celle qui a été projetée par les concepteurs de l’école unique après la Grande Guerre et même après la Libération, devaient offrir une grande diversité dès la sortie de l’école primaire, non pour compenser les différences d’aptitude entre les élèves, mais pour exploiter la pluralité de leurs talents en harmonie avec celle des métiers et des carrières dont la société avait besoin. En outre les usages sociaux de l’école sous la IIIe république montrent que la réussite professionnelle, pour nombre d’enfants issus de milieux diversement favorisés, pouvait passer par d’autres voies que l’enseignement général long. Les sept articles du dossier proposent de revisiter l’école française des IIIe et IVe Républiques avec les yeux de l’historien mais aussi avec ceux du sociologue désireux de connaître les conceptions d’une école plus juste au moment où le processus de démocratisation de l’enseignement ne faisait que débuter.
Garnier, Bruno, « Les territoires d’une école inclusive, entre replis locaux et appartenance au village-monde », Transversalités, Revue de l’Institut Catholique de Paris, n°165, avril-juin 2023, p. 119-132.
Le présent article se propose d’étudier la notion d’école inclusive en la mettant en relation avec celle de territoires, mot entendu ici au pluriel. Nous formons l’hypothèse selon laquelle l’inclusion de personnes, présumées diverses, n’est pas possible sans tenir compte de ce qu’elles sont, d’où elles viennent et sans définir un territoire réel ou symbolique qui puisse les rassembler sans les contraindre à se ressembler. Ce territoire rassembleur, ce sera notre seconde hypothèse, c’est l’école inclusive. À partir de là, nous tenterons de répondre à la question suivante : « Quelle place l’école inclusive doit-elle donner aux territoires environnants, du lieu de vie de l’enfant au village monde ? ».
Pour traiter cette question problématique, nous nous intéressons, dans une première partie, à la notion d’école inclusive, depuis son émergence dans le champ du handicap jusqu’à son extension universelle à l’ensemble des individus qui constituent une société. Dans une seconde partie, nous aborderons le rôle du territoire dans la construction de l’individu et dans la construction du lien social, à l’échelle du territoire national. La troisième partie étudiera les paradoxes d’une école chargée de l’intégration sociale et politique des futurs citoyens, à l’égard des territoires de la vie quotidienne, de la vie familiale et de l’activité économique. Ce détour nous conduira à définir, dans une quatrième partie, les politiques de l’école inclusive dans ses rapports complexes avec les territoires qui l’environnent. Enfin, en conclusion, nous reviendrons sur la question problématique de cet article, en tenant d’y apporter une réponse fondée sur le concept de « distance raisonnable » entre l’école et son environnement, tirée de l’œuvre d’Émile Durkheim.
Itsmaïl, Salma, Garnier, Bruno, « Instrumentalisation de l’éducation au développement durable au service du tourisme : le cas de l’arganeraie », Angela Barthes, Catherine Cibien et Bruno Romagny [dir.], Réserves de biosphère et objectifs de développement durable. Enjeux scientifiques et pratiques éducatives en Méditerranée, Londres, ISTE Editions, 2023, p. 165-188.
Les relations entre le tourisme et les ressources de l’environnement, qu’elles soient naturelles ou culturelles, matérielles ou immatérielles, sont souvent considérées comme causes de conflits et d’incompatibilités multiples. On dénonce les répercussions négatives du déplacement de centaines de millions de voyageurs chaque année. Georges Gazes soulignait déjà, il y a une trentaine d’années, la « double logique », en apparence contradictoire, mais simultanément obligatoirement complémentaire, qui inspire toute entreprise touristique : d’une part, mettre en valeur et rentabiliser le patrimoine local en l’ouvrant largement à une fréquentation rémunératrice, et, d’autre part, sauvegarder ce capital environnemental, quitte à limiter son accès pour mieux le faire durer. Le présent article propose une tentative de dépassement de ces conflits, aux succès mitigés, à travers l’exemple de la politique enclenchée au sein de la Réserve Biosphère Arganeraie (RBA), au Maroc, en se fondant sur sa dimension éducative et sur le potentiel, certes partiellement inexploré, qu’elle renferme.
Balmon, Theodora, Garnier, Bruno, [dir.], Les espaces culturels de formation. Nouveaux rapports aux savoirs, Londres, ISTE Editions, 2023.
Garnier, Bruno et Balmon, Theodora, « Introduction. Les espaces culturels de formation, péril ou opportunité pour la forme scolaire ? », Theodora Balmon et Bruno Garnier, Bruno [dir.], Les espaces culturels de formation. Nouveaux rapports aux savoirs, Londres, ISTE Editions, 2023, p. 7-22.
Balmon, Theodora et Garnier, Bruno, « Conclusion. Du concept émergent d’espace culturel de formation à la conception d’un label », Theodora Balmon et Bruno Garnier, Bruno [dir.], Les espaces culturels de formation. Nouveaux rapports aux savoirs, Londres, ISTE Editions, 2023, p. 261-277.
Depuis deux siècles, la forme scolaire a conféré à l'école un point central en périphérie duquel gravitent d'autres acteurs éducatifs : collectivités territoriales, associations, monde du travail. Au cours du XXe siècle, cette configuration scolarocentrée a entamé une mutation. Les instances locales tendent à s'intégrer dans la culture verticale du système scolaire. Il ne s'agissait alors que du début d'un processus qui a mis en interaction l'école et les acteurs socioculturels.
Dans un premier temps, Espaces culturels de formation étudie les rapports aux savoirs induits par les articulations entre forme scolaire et espaces culturels de formation par une mise en perspective historique, pédagogique et philosophique. Les facilités d'accès aux supports de connaissances y mettent en œuvre des rapports aux savoirs différents de ceux que pratique l'école. Puis, dans un second temps, l'ouvrage s'intéresse aux pratiques pédagogiques dans ces différents espaces culturels de formation, tels que bibliothèques, médiathèques, musées et sites historiques, lieux d'héritage, d'histoire et de divertissement, les réseaux sociaux et les supports multimédias.
Garnier, Bruno, Balcou-Debussche, Maryvette, « Parcours différenciés en éducation thérapeutique et littératie en santé ». Éducation, Santé, Sociétés, décembre 2021, vol. 8 n° 1, p. 7-16.
D'un point de vue institutionnel, l'éducation thérapeutique du patient (ETP) s'est développée en Europe à partir de la publication d'un rapport de l'OMS en 1998. Ce rapport définissait les aspects qualitatifs de cette activité en spécifiant qu'il s'agissait d'un processus d'apprentissage centré sur le patient, adapté à ses besoins et nécessairement intégré aux soins et aux traitements; il soulignait son caractère multiprofessionnel et multidisciplinaire, qui impliquait que les professionnels de santé suivent des formations méthodologiques. En France, le contexte de surmortalité, de prévalence croissante des maladies chroniques, d'inégalités de santé et de baisse de la démographie médicale décrit par le Haut Comité de Santé Publique en 1998 avait renforcé la nécessité de soutenir activement le développement de l'éducation thérapeutique. Le monde médical, qui centrait jusqu'alors presque exclusivement ses efforts sur le développement de la recherche médicale, a dû faire le constat qu'en dépit d'un arsenal médical de plus en plus performant, l'état de santé des patients atteints de maladies chroniques avait du mal à s'améliorer.
Le présent dossier est issu d'une journée d'études intitulée «L'éducation thérapeutique du patient et les inégalités sociales et territoriales de santé: apports interdisciplinaires» qui s'est tenue à l'Université de Corse, jeudi 24 octobre 2019. La richesse des contributions et des échanges qui y ont été entendus a conduit Bruno Garnier et Maryvette Balcou-Debussche à lancer un appel à contributions pour un dossier thématique sur le même thème, dans la revue scientifique Éducation Santé Sociétés, dont ce numéro constitue le premier volet.
Garnier, Bruno, « Territoires apprenants et démocratie : Une nouvelle utopie éducative ? » TERINT 2021 : Colloque 2021 sur l’émergence de territoires intelligents, 2021, Toulouse, Cépaduès Éditions, p. 57-66.
Issus des logiques du développement territorial, les « territoires apprenants » viennent du monde des organisations. Une organisation apprenante est une organisation capable d’apprendre d’elle-même et qui postule que le territoire est un outil d’apprentissage collectif. Cependant, à y regarder de plus près, le concept manque de vigueur et les dispositifs qu’il est censé unifier en leur donnant un sens clair se caractérisent plutôt par une telle diversité qu’il devient presque impossible d’en donner une définition unique et limpide. « Territoires intelligents », « territoires apprenants », « villes apprenantes », et récemment, « cités éducatives » : les expressions foisonnent pour désigner des réalités plurielles.
Cette diversité provient pour une part des conditions qui président à l’émergence de ces dispositifs : c’est notamment le cas lorsque l’usage d’une technologie de communication est l’élément déclencheur de la mise en synergie des acteurs. Une sorte d’évidence s’impose, au nom de laquelle un « territoire intelligent » est d’abord un territoire connecté. Cette approche par les outils plutôt que par la définition préalable du concept fait l’économie de l’étude première des besoins des habitants émanant des habitants eux-mêmes, et elle jette un doute sur la convergence des intérêts économiques des fournisseurs d’équipements numériques et des collectivités locales qui les financent. On verra dans la suite de cet article que cette démarche a déjà prévalu dans certains programmes d’éducation non formelle imposée par les organisations internationales aux pays en développement, avec des succès inégaux.
Une deuxième entrée privilégie les politiques publiques en centrant l’attention sur l’évaluation de leur application sur le terrain. Au nom de considérations générales, telles que le développement durable et social, la protection de l’environnement, les services aux usagers, des programmes sont conçus par l’autorité politique nationale ou locale qui se charge ensuite de contrôler leur mise en œuvre. Il convient ici d’étudier les conditions auxquelles répondent les instances de pilotage aux différentes échelles de territoire pour tenter de mettre au jour les caractères communs à cette forme d’intelligence territoriale.
Une troisième approche pour donner du sens aux territoires apprenants est l’entrée par les acteurs. Ceux-ci, on le verra, sont confrontés à des situations d’incertitude qui les conduisent à construire eux-mêmes le sens de leurs actions au profit de la circulation des savoirs sur un territoire donné.
Quelle que soit l’entrée choisie, les territoires apprenants interrogent les valeurs démocratiques, c’est-à-dire le degré de maîtrise des habitants du territoire à propos des modalités d’accès aux savoirs et aux compétences qui leur sont proposées, de l’émergence des besoins jusqu’à l’acquisition des savoir faire correspondants.
Malet, Régis et Garnier, Bruno [dir.], Éducation, mondialisation et citoyenneté. Enjeux démocratiques et pratiques culturelles, Berlin, Peter Lang, Bibliothèque d’études comparatives, Vol. 29, 2020.
Cet ouvrage traite, dans une perspective comparatiste internationale, de la construction de la notion de citoyenneté et de sa circulation dans des espaces scolaires et sociaux à l’ère de la mondialisation. Cela se réalise par la complémentarité des expertises mobilisées et par la variété des contributions et des ancrages géoculturels de leurs auteurs.
Il offre ainsi une diversité de regards analytiques sur le processus de mondialisation de l’éducation, vu sous l’angle de la gestion des identités, de la diversité et de la promotion de la citoyenneté.
Il invite à une lecture croisée des dynamiques culturelles, historiques et sociales dans des sociétés à la fois fragmentées et reliées entre elles.
Garnier, Bruno, « Les enjeux de la territorialisation des politiques nationales d’éducation, entre replis locaux et appartenance au village-monde », Malet, Régis et Garnier, Bruno [dir.], Éducation, mondialisation et citoyenneté. Enjeux démocratiques et pratiques culturelles, Berlin, Peter Lang, Bibliothèque d’études comparatives, Vol. 29, 2020, p. 39-58.
Espace d’enracinement et de patrimonialisation, le territoire est au cœur de l’identité collective qui fixe le cadre de la construction de l’identité individuelle. D’abord chargée de transmettre le patrimoine attaché au territoire national, pour construire le citoyen d’une nation, l’école est aussi chargée de l’émancipation de l’enfant à l’égard de toutes les influences qui agissent sur lui. L’objet de l’article consiste à étudier la place que l’école accorde aux territoires de résidence, aux territoires de vie et aux territoires d’origine des élèves qui lui sont confiés.
Longtemps, les « petites patries » ont été célébrées dans leur diversité comme facteur d’intégration citoyenne à la grande patrie, en même temps unique et multiple. Mais aujourd’hui, la solidarité du local dans le national ne s’opère plus mécaniquement par l’entremise de valeurs universellement partagées. Les communautés attachées à un territoire de vie ou d’origine ont accédé à la conscience de la spécificité des identités qu’elles incarnent et en demandent la reconnaissance. Certes, la nation française n’a pas été fondée en 1789 sur une identité ni sur une culture communes aux citoyens, mais sur le refus du féodalisme qui caractérisait l’Ancien Régime. La citoyenneté française aurait donc dû rester indépendante de la communauté d’appartenance ou d’origine de ses membres. Mais la tradition française de la citoyenneté est plutôt issue des fondateurs de la IIIe République que des législateurs de la Révolution de 1789. C’est elle qui oppose une forme de résistance à la reconnaissance de droits attachés à sous-ensembles de la nation, alors que la visibilité d’une société multiculturelle devient chaque jour plus prégnante.
Ce sont les attaches historiques de l’homme au territoire national, si méticuleusement transmises par l’école, qui ont eu tendance à céder le pas depuis la seconde moitié du XXe siècle devant l’ouverture des frontières sur le monde. L’histoire connectée conduit à repenser l’idée qu’il existe des identités collectives issues de territoires purs. L’homme moderne cheminerait à partir de son territoire de vie et de sa communauté d’origine jusqu’à des territoires et des communautés plus englobants, de réseaux à la planète tout entière, cette terre-patrie qui accède lentement à la conscience universelle.
Cependant le territoire national est prompt à retrouver toute sa dimension identitaire lorsque cette dimension a été volontairement niée.
Déterritorialisation de la citoyenneté par la mondialisation ou repli identitaire des citoyens sur le territoire national sont deux approches a priori inconciliables en éducation, qui s’accordent pourtant sur un point fondamental : la reconnaissance de la diversité des identités territoriales est un moyen pour former l’homme et le citoyen modernes. Il s’agit, en somme, de ne pas confondre unité de l’être humain, où qu’il vive, avec uniformité des cultures, qui sont le sel de l’humanité.
Une revue historique du rôle de l’éducation à l’égard de la formation du citoyen abouti au constat que l’école française, ouverte sur une réalité plurielle qu’elle mettait entre parenthèses dans sa conception originelle, abandonne peu à peu son modèle républicain. Elle adopte un visage hybride qui emprunte à la reconnaissance des pluralismes des territoires, qu’ils soient géographiques ou socioculturels.
En définitive il semble que les politiques d’éducation ne peuvent plus s’offrir le luxe de l’indifférence aux différences pour fonder le sentiment d’appartenir à une société qui se déploie à différentes échelles territoriales, du local à la planète-monde. Pour ne pas renoncer à l’affirmation de ses idéaux universalistes, l’école ne peut pas construire de chemins vers l’universel en ignorant les territoires de vie et d’origine des élèves. Devenir citoyen requiert plus que jamais une école soucieuse de valeurs universelles, mais qui ne nie pas l’existence des identités ni les intérêts des habitants d’un territoire.
Garnier, Bruno, Derouet, Jean-Louis, Malet, Régis [dir.], Sociétés inclusives et reconnaissance des diversités : le nouveau défi des politiques d’éducation, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2020, p. 7-25.
Garnier, Bruno, Derouet, Jean-Louis, Malet, Régis, « Diversités, citoyenneté, sociétés inclusives, les nouveaux enjeux des politiques d’éducation », B. Garnier, J.-L. Derouet, R. Malet [dir.], Sociétés inclusives et reconnaissance des diversités : le nouveau défi des politiques d’éducation, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2020, p. 7-25.
La charnière des XXe et XXIe siècles a été marquée par la prise en compte de la diversité en éducation sous plusieurs aspects : genre et orientation sexuelle, ethnie, langue, culture, religion, état de santé, âge, territoire… Le projet d’intégration sociale se conçoit de plus en plus dans la reconnaissance des différences et de moins en moins dans l’indifférence aux différences. Pour maintenir l’objectif de l’émancipation sociale, la définition de la citoyenneté s’enrichit de dimensions nouvelles : des compétences qui permettent de s’orienter dans des univers complexes et un renouvellement du cosmopolitisme correspondant à la mondialisation.
Les articles parcourent dans plusieurs pays, différents aspects de cette diversité et confrontent les approches théoriques et méthodologiques, pour mettre en évidence les capacités d’initiative des enseignants et tracer les contours d’une société inclusive.
Garnier, Bruno, Blanchet, Philippe, « Diversité linguistique et formation citoyenne : enjeux à l’heure de la mondialisation », Études de Linguistique Appliquée (ÉLA), n° 197, Klincksieck, janvier-mars 2020, p. 19-28.
Il paraît aujourd’hui difficile de former le citoyen d’une société démocratique
se définissant comme « inclusive » de la diversité de ses membres,
sans s’interroger sur le statut des langues en usage à l’École et dans cette
société. Les travaux des historiens de l’éducation et ceux des sociolinguistes
convergent, depuis la seconde moitié du XXe siècle, pour établir que la « forme
scolaire », dont l’origine remonte à la fondation des collèges jésuites, est une
institution fondée sur l’inculcation de normes linguistiques orales et écrites
destinées à former le citoyen au respect de l’autorité politique. Toutefois, en
raison d’une certaine plasticité, il est possible de repenser cette « forme scolaire
», en prenant en considération l’objectif des « politiques de la reconnaissance
» de la diversité linguistique des futurs citoyens. Les articles ici réunis
en explorent les modalités et les difficultés, en articulant les approches générales
et les études contextualisées, à propos de situations où les apprentissages
tentent d’intégrer une dimension plurilingue et polynomiste.
Garnier, Bruno, « Langues d’enseignement, langues maternelles : approches territoriales de l’insécurité linguistique sur les deux rives de la Méditerranée », Champollion P. [dir.], Territorialisation de l’éducation. Tendance ou nécessité, London, ISTE Ltd, 2020, p. 119-136.
Si l’insécurité linguistique a fait l’objet de nombreuses recherches, on n’est
pas encore parvenu à en proposer un modèle théorique satisfaisant. C’est pourquoi
cet article se propose de partir de situations observées dans des environnements
circonscrits. Les « élèves issus du Maghreb » évoluent entre trois mondes : le monde
familial, le monde sociopolitique et le monde scolaire. Or, les mutations sociales
et politiques qui ont affecté l’Algérie, la Tunisie et le Maroc durant les dernières
décennies agissent puissamment sur les pratiques langagières de ces élèves pour qui
langues maternelles, langue d’État et langues de communication ne coïncident pas.
Sur les deux rives de la Méditerranée, l’insécurité linguistique des élèves issus du
Maghreb agit en défaveur de leur réussite à l’école, et de manière plus accentuée
encore en défaveur des garçons. Ce constat nous conduit à appeler de nos voeux
un regain d’intérêt pour cet objet d’étude de la part des chercheurs en sciences de
l’éducation et de la formation. Les liens entre éducation, territoires (de vie ou d’origine)
et inégalités scolaires passent nécessairement par la problématique linguistique.
Garnier, Bruno, « What Role should Territories Play in Public Educational Policies ? », Evolutions of the Complex Relationship Between Education and Territories, Wiley & Sons, Inc., Hoboken, USA, 2018, p. 5-17.
Garnier, Bruno, « Quelle place accorder aux territoires dans les politiques publiques d’éducation ? », Angela Barthes, Pierre Champollion et Yves Alpe [dir.], Permanences et évolutions des relations complexes entre éducations et territoires, London, ISTE Ltd, 2017, p. 25-37.
Le projet de rendre les individus vivant dans une même société conscients des liens qui les unissent paraît aujourd’hui contrarié par le rapport entre la construction de l’identité individuelle et l’appartenance de chacun à des identités collectives inscrites dans des territoires de vie ou d’origine des élèves. En France, l’éducation, sous sa forme scolaire, place le processus d’« émancipation » au coeur de sa mission de socialisation : élever, c’est sortir de sa condition, s’extraire de son milieu pour devenir soi, membre d’une communauté humaine plus large, dans un mouvement d’universalisation dont le terme doit être précisé : comment se construit-il et sous quelle bannière universalisante (la religion, des principes politiques, des valeurs, une circulation d’objets, des dispositifs) ? Devenir citoyen requiert plus que jamais une école soucieuse de valeurs universelles, mais elle ne doit pas nier l’existence des identités et les intérêts des habitants d’un territoire.
Garnier, Bruno, « Vivre ensemble avec nos différences, de l’école à l’univrsité, hier et aujourd’hui », Bruno Garnier, Theodora Balmon et Jacky Le Menn [Dir], La laîcité pour vivre ensemble avec nos différences, Actes de la journée du 14 décembre 2016, Ajaccio, Albiana – Université di Corsica, 2017, p. 11-21.
L’université de Corse Pasquale Paoli a choisi de confier à Bruno Garnier une mission à propos de la laïcité, que ce dernier a choisi de placer sous la bannière de la reconnaissance de la diversité culturelle. Fruit d’une journée de conférences, de débats, d’ateliers et d’expositions, le 14 décembre 2016, cet ouvrage, coordonné avec le concours de Mme la Conservatrice de la Bibliothèque universitaire, Mme Theodora Balmon, a pour objectif de participer au rayonnement de l’université de Corse à propos de cette question dont elle s’est emparée, non seulement en Corse où la laïcité est une question vive, mais plus largement en France, en Europe et en Méditerranée. Il réunit les contributions d’universitaires, historiens de la Corse, historiens de l’éducation, de formateurs, d’enseignants, de bibliothécaires et d’acteurs de la société civile dans différents domaines, dont celui de la santé.
« Vivre ensemble avec nos différences », ce n’est pas « vivre ensemble malgré nos différences ». Le mot « avec » signifie que nos différences sont une richesse partagée, une base pour nous connaître comme différents, pour reconnaître notre diversité et pour construire, sur cette base, une culture commune.
Pour qu’il en soit ainsi, la laïcité n’est pas une option spirituelle parmi d’autres, elle est ce qui rend possible la coexistence de toutes les options philosophiques, qu’elles soient religieuses ou non. La laïcité soustrait le pouvoir politique à l’influence dominante de toute option spirituelle ou religieuse, afin que nous puissions tous vivre ensemble avec nos différences.
Garnier, Bruno, « L’histoire nationale : Comment la racontent-ils ? », Françoise Lantheaume, Jocelyn Létourneau [dir.], Le récit du commun. L’histoire nationale racontée par les élèves, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2016, p. 23-38.
L’analyse structurale des récits produits par les élèves en réponse à la consigne « Raconte l’histoire de France », dans le cadre de la recherche coordonnée par Françoise Lantheaume et Jocelyn Létourneau, montre qu’une majorité d’entre eux a investi la dimension créatrice de l’écriture, fût-ce au détriment de l’usage qu’a souvent l’écrit scolaire, utilisé comme trace de la mémoire, attestation du savoir mémorisé.
Dans cet article j'ai montré que cette dimension libératrice de l’imagination créatrice est aussi celle par laquelle se font la mémorisation des faits historiques et la construction du sens de l’histoire pour l’élève. La tentation pédagogique d’une analogie entre la recherche historique savante et la didactique de l’histoire scolaire a conduit à mépriser, dans les années 1970 et 1980, les formes considérées comme enfantines de l’apprentissage et de la mémorisation de l’histoire. Cette méfiance était aussi fondée, à juste titre, sur l’usage non dénué d’arrière-pensées, des images d’Épinal ou des récits romancés qui meublaient les manuels d’histoire et de géographie depuis les débuts de l’école républicaine de la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 1930. Ces manuels célébraient une France éternelle, engagée, depuis la plus haute Antiquité, dans des guerres licites contre de coupables ennemis, des guerres destinées à marquer les étapes d’une glorieuse expansion civilisatrice de la France, en Europe et à l’égard des populations colonisées. L’émergence d’une histoire et d’une géographie scolaires dégagées de visées idéologiques a progressivement conduit, à partir des années 1960, à préférer le document à l’image d’Épinal et son commentaire argumenté au récit.
Cependant, aujourd’hui, sous les feux d’une actualité qui met à mal les valeurs de la démocratie, et devant une mondialisation qui relativise l’idée d’identité nationale, il convient de s’interroger sur l’articulation entre histoire objective et histoire mémorielle, entre histoire et citoyenneté, entre histoire académique et formation du jugement. Et précisément, le récit est structurellement fondé sur l’implication de son auteur dans le sens qu’il donne aux événements. On voit bien, dans les textes que j'ai étudiés (plus de huit cents), que le récit permet aux élèves du collège d’inscrire dans les faits historiques évoqués, leur vision de l’histoire et du monde en évolution dans lequel ils vivent. C’est pourquoi le récit des élèves constitue un outil pédagogique qu’on se réjouit de voir réapparaître dans les programmes du collège et du lycée, mais qui n’a probablement pas toute la place qui lui revient dans la formation des enseignants.
Garnier, Bruno, « Multiculturalisme et insécurité linguistique en éducation dans l’espace méditerranéen », Garnier, Bruno [dir.], Insécurité linguistique en éducation : approche sociologique comparée des élèves issus du Maghreb, Études de Linguistique Appliquée (ÉLA), n°175, Klincksieck, Juillet-septembre 2014, p.263-281.
Le présent dossier est issu d’un symposium qui s’est tenu à Rabat à l’occasion du 9e congrès de l’AISLF les 2-6 juillet 2012, intitulé « Penser l’incertain ». Il s’agissait de l’approche pluridisciplinaire d’un problème éducatif de grande importance pour l’avenir des sociétés des deux rives maghrébine et française de la Méditerranée : les conditions de scolarisation des enfants issus du Maghreb, au regard de la question des langues d’enseignement employées à leur attention. Si les politiques linguistiques des pays concernés à l’égard des langues à utiliser à l’école pour ces enfants est marquée par une grande incertitude depuis une trentaine d’années au moins, trop rarement, les études qui leur sont consacrées ont tenté de tenir ensemble les deux aires géographiques, à savoir, le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, d’une part, et la France d’autre part, en adoptant le point de vue des premiers intéressés, les enfants, en tant qu’élèves, bénéficiaires (ou victimes) de ces politiques hésitantes et instables. Et pourtant, ce sont bien eux qui subissent de plein fouet les conséquences des atermoiements des politiques publiques d’éducation.
La problématique de l’insécurité linguistique peut s’entendre au plan des individus, qui ressentent parfois douloureusement la fragilité sociale que leur impose le simple fait de parler une langue plutôt qu’une autre, ou une langue mieux qu’une autre. Dans l’environnement plurilingue qui est celui de tous les pays de l’espace méditerranéen, toutes les langues pratiquées dans un pays donné ne permettent pas d’accéder aux mêmes biens sociaux. On peut aussi considérer l’insécurité linguistique comme incertitude des politiques linguistiques des États, dans la question du choix des langues d’enseignement, et dans celle de la place qui doit leur être respectivement assignée. Dans la mesure où ces choix relèvent en premier lieu des gouvernements nationaux, les langues d’enseignement sont liées aux frontières nationales et à l’histoire des peuples. Mais les questions linguistiques ne se laissent pas facilement enfermer dans les frontières des États, généralement arbitraires. Les langues portent des traditions culturelles, religieuses, ethniques, qui peuvent être aussi le vecteur de l’affirmation d’identités ou de territoires régionaux, infranationaux ou supranationaux. Les enjeux et les motivations des gouvernements en ce domaine fluctuent donc, d’une part, en fonction des politiques linguistiques nationales et, d’autre part, en fonction des aspirations des communautés qui composent ces sociétés.
L’ensemble des pays qui bordent la Méditerranée constitue un terrain d’investigation d’une grande richesse pour l’objet qui nous occupe. Mais l’extrême diversité des situations linguistiques, éducatives et politiques de l’espace méditerranéen nécessite un effort de concentration sur un objet dont il soit possible d’étudier plusieurs aspects sans renoncer à tirer quelques conclusions partagées. La focalisation sur quelques systèmes éducatifs qui scolarisent des élèves et les étudiants issus du Maghreb semble circonscrire un domaine d’étude maîtrisable.
Garnier, Bruno, « Territoires, identités et politiques d’éducation en France », Garnier, Bruno [dir.], Politiques d’éducation et identités territoriales, Carrefours de l’éducation n°38, décembre 2014, p. 127-157.
Éléments de contexte
Le dossier publié dans Carrefours de l'éducation est issu du premier colloque international de l’Association Transdisciplinaire pour les Recherches Historiques sur l’Éducation (ATRHE), intitulé « Éducation et identités : perspectives historiques », qui s’est tenu au Centre universitaire de Gennevilliers (Université de Cergy-Pontoise) avec le concours du laboratoire EMA (École, Mutations, Apprentissages), les 22 et 23 mars 2013. Les 7 textes du dossier sont en majorité tirés de l’atelier « Identités et territoires » qu’avait animé Bruno Garnier.
Résumé du dossier
À l’heure de la mondialisation et de l’un de ses corollaires, le relativisme des cultures, des savoirs et des pratiques sociales, la mission de socialisation, attribuée à l’éducation publique depuis au moins Émile Durkheim, est toujours perçue comme nécessaire à la cohésion de la société, mais elle semble changer de sens. La tradition émancipatrice de l’école républicaine française entre en tensions avec la montée des identités liées aux territoires, entendus comme lieux de résidence ou lieux de provenance. Ces identités territoriales peuvent être associées à des catégories de natures diverses, linguistiques, religieuses ou ethniques, professionnelles ou sociales. Leur affirmation peut aller jusqu’à la revendication de droits à des modalités spécifiques d’éducation pour des ensembles de populations. Afin de rendre plus intelligibles ces questions aujourd’hui socialement vives, les contributeurs de ce dossier étudient les déplacements, récurrences et obstacles qu’ont connues les identités territoriales dans l’enseignement scolaire en France. Le dossier comprend des études diachroniques dans le cours du XXe siècle, des focalisations régionales et des mises en perspectives internationales, notamment dans le cadre de la construction européenne.
Bruno Garnier est l'auteur d'une note de synthèse reprenant l'essentiel des connaissances récentes sur le sujet, intitulée "Territoires, identités et politiques d'éducation en France".
En 1860, le ministère de l’Instruction publique lance à destination des instituteurs ruraux de toute la France un concours qui repose sur une question articulée en trois parties : « Quels sont les besoins de l’instruction primaire dans une commune rurale au triple point de vue de l’école, des élèves et du maître ? ». Au total, quatre-vingts instituteurs corses répondent à l’invitation ministérielle. Ces mémoires nous aident à mieux peser et à mieux ressentir le vécu d’humbles fonctionnaires. Écoutons Félix Pozzo di Borgo, instituteur à Luri : « Prends garde, mon enfant, s’écrie le père de famille de nos montagnes, prends garde d’entreprendre cette misérable et pénible carrière de l’enseignement primaire, où l’on ne saurait joindre les deux bouts de l’année, où l’on est esclave de tout le monde sans avoir même quelquefois la douce satisfaction d’être payé de reconnaissance ! Sois plutôt soldat, marin, préposé des douanes, ou gendarme ! Voilà ce que répètent constamment à nos élèves les habitants de nos communes rurales, et ils ont raison. Tout en reconnaissant les services que nous rendons, tout en louant notre zèle et notre dévouement, les pères de famille nous humilient ainsi, soit en accusant l’administration d’indifférence pour de pauvres serviteurs de l’État, soit en tenant un langage qui nous déconsidère moralement aux yeux de tout le monde. » À la lecture des mémoires, que de notations subtiles, que de témoignages rares et émouvants ! L’instituteur est un vieil ami, un peu méconnu, jamais délaissé.
Garnier, Bruno, « Unité française contre diversité régionale, l’éternel retour d’une rhétorique répressive », Ottavi, Pascal [dir.], La langue corse dans le système éducatif, Enjeux sociaux, curriculaires et didactiques du bi/pluriliguisme, Ajaccio, Albiana, 2012.
Longtemps l’école publique, en France, s’est définie comme un instrument d’universalisation par la constitution d’une culture nationale censée se substituer aux cultures régionales, et même aux cultures étrangères. Dans ce sens, on voit bien le sens premier du mot identité, « caractère de ce qui est un », le nom désignant la propriété de deux objets mathématiques égaux, mais écrits différemment.
Ce sémantisme unificateur se heurte plus récemment à une autre définition du mot identité, d’ailleurs attestée anciennement : l’ensemble des traits culturels propres à un groupe ethnique qui lui confèrent son individualité et le sentiment d’appartenance d’un individu à ce groupe. L’école se trouve le lieu de rencontre des identités communautaires, au pluriel, et sa vocation à les fondre en une identité plus vaste devient sujet à la critique.
Garnier, Bruno, « Le rôle de l’État dans la reconnaissance du droit à la diversité : jalons pour une histoire des politiques linguistiques d’enseignement en Corse », Territoires et démocratie culturelle : Vers un nouveau contrat éducatif, Ve Congrès international de la MESCE, Biguglia, Stamperia Sammarcelli – Università di Corsica, 2012, p. 72-90.
Dans la mesure où le choix des langues d’enseignement relève des gouvernements nationaux, les langues admises à l’école sont liées aux frontières nationales et à l’histoire des peuples. Mais les langues portent des traditions culturelles, religieuses, ethniques, qui peuvent être aussi le vecteur de l’affirmation d’identités ou de territoires régionaux, infranationaux ou supranationaux. Dans le cas de la Corse, trois moments constituent les jalons de cette demande de reconnaissance : 1/ l’adhésion des élites corse au mythe émancipateur de la culture française au tournant des XVIIIe et XIXe siècles ; 2/ la langue corse diluée dans la gestion libérale de l’école primaire sous le second Empire ; 3/ l’ouverture du cycle républicain des petites patries, à la fin du XIXe siècle et 4/ aujourd’hui : fin du cycle égalitaire et retour au pilotage en réseaux ? Aujourd’hui entrée dans le paysage éducatif de la Corse, l’école bilingue ne peut plus être étudiée seulement comme aspiration sociale, mais désormais comme ensemble complexe inscrit dans la réalité sociale, comme une sorte de cristallisation dont les éléments ne sont pas nécessairement issus du projet initial mais de facteurs sociaux, économiques et culturels hétérogènes, contingents et souvent fragmentaires dans leur localisation géographique.
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Garnier, Bruno, Quenot, Sébastien, « L’École bilingue en Corse – La reproblématisation d’une question toujours vive », Legardez, Alain, Simonneaux, Laurence, [dir.], Développement durable et autres questions d’actualité : Questions socialement vives dans l’enseignement et la formation, Dijon, Educagri éditions, 2011, p. 249-263.
La prégnance d’une offre d’enseignement bilingue doublement inégale, aux plans géographique et sociologique, en l’absence de politique globalement assumée, a ouvert le champ aux lois inavouées du marché. Les sites bilingues français-corse sont devenus l’enjeu d’une attractivité sociale comparable à celle d’autres classes d’excellence, telles que les classes européennnes, bien loin des objectifs de leurs concepteurs. Cependant, la superstructure d’une revendication identitaire et d’une élaboration linguistique censée conjurer les effets du déclin de la pratique quotidienne de la langue corse maintient sur cette question tout le poids de la pression politique et en contrarie l’analyse objective. Toujours vive, mais en voie d’entrer dans le jeu du marché et dans sa propre logique de différenciation scolaire socialement construite, l’éducation bilingue, aujourd’hui entrée dans une phase de structuration, voit ses objectifs et son avenir brouillés.
Garnier, Bruno, Recension critique de Dalley, Phyllis et Roy, Sylvie, Francophonie, minorités et pédagogie, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 2008, dans Éducation et Sociétés n°22, février 2008, p 192-194.
Garnier, Bruno, « Langues, Cultures, Identités. École républicaine, modernité et identités régionales », IVe colloque international, Environnements et Identité en Méditerranée (19-25 juillet 2004), Corte, Università di Corsica Pasquale Paoli-CNRS, 2005, Tome II, p. 588-595.
Di Meglio, Alain, Ottavi, Pascal, Foata, Dominique, Verdoni, Dominique, Versini, Marie Anne, Comiti, Jean-Marie, Garnier, Bruno [dir.], « La situation de l’enseignement de la langue et de la culture corses », Identités, Environnement, NTIC, Méditerranée, Corte, Centre de Recherches en Corse et en Méditerranée, Università di Corsica Pasquale Paoli, 2004, p. 46-75.
Garnier, Bruno, « Préface », Henri Vielle-Grosjean et Rachel Salomon Tsehaye [dir.], Le respect, pensé autrement : 12 variations entre éthique et pédagogie, Ajaccio, Albiana, 2022, p. 15-27.
Certains ouvrages collectifs ressemblent à un kaléidoscope : ils décomposent leur objet d'étude en une myriade de facettes qui en sont autant d'aspects différents, et c'est finalement au lecteur qu'il revient de reconstituer l'objet initial, mais aussi au malheureux préfacier. Henri Vieille-Grosjean et Rachel Solomon Tsehaye n'ont pas conçu la coordination du présent ouvrage de cette manière, ce dont le préfacier leur est reconnaissant. Les auteurs des différents articles ont formé une véritable équipe et c'est ensemble qu'ils ont monté et démonté, déconstruit et reconstruit le concept de respect dans des contextes différents, c'est-à-dire dans des cotextes différents, en explorant les environnements sociaux qui correspondent à ces environnements sémantiques. Ce travail conjoint a nécessité de nombreux échanges entre les contributeurs tout au long de la conception des chapitres et de l'architecture de l'ouvrage, auxquels le préfacier a eu quelques fois la chance d'assister, ce qui lui permet de témoigner que chacun connaissait le travail de tout autre et que chacun a façonné son texte pour qu'il prenne place dans un tableau d'ensemble. Cet ouvrage ne propose donc pas une image kaléidoscopique du respect : il fait plutôt penser à un puzzle, car pas à pas, page à page, le lecteur découvre différentes pièces qui, agencées les unes aux autres, composent une représentation particulièrement nette de l'objet commun.
Garnier, Bruno, « Les métiers de l’enseignement au péril des incertitudes », Spirale, Revue de recherches en éducation, n°60, octobre 2017, p.3-11.
La notion d’incertitude a fait l’objet de nombreux efforts de théorisation de la part des sociologues des organisations. Les sociologues des organisations ont particulièrement montré que l’incertitude est inséparable de l’action. Dans des contextes organisationnels où l’indétermination, l’incertitude et l’imprévu prévalent, les acteurs sont conduits à ajuster les décisions qu’ils prennent à l’évolution de la situation, et pour y parvenir, ils sont placés devant la nécessité de lui donner du sens (sensemaking).
L’objet du présent dossier est de caractériser les facteurs d’incertitude, leurs causes et leurs effets sur les acteurs de l’éducation ou du management éducatif, et d’en étudier quelques-uns en situation. Il nous semblerait aventureux de chercher à transposer tels quels dans le champ de l’éducation les modèles conçus par les sociologues des organisations dans des structures relevant le plus souvent du monde marchand. Nous ne postulerons donc pas ici que l’institution scolaire ou universitaire, qui est un espace public à nul autre pareil, reproduit les mécanismes de l’entreprise en situation d’incertitude. Cependant, nous considérons que les acteurs de l’éducation sont, eux aussi, conduits à repenser leurs fonctions et leurs actes, à leur redonner du sens (sensemaking), en faisant face à un certain nombre de facteurs d’incertitude qui sont spécifiques au monde éducatif et à son environnement.
Garnier, Bruno,
Garnier, Bruno, Alceste et Hécube d’Euripide, édition bilingue, nouvelle traduction envers français, introduction et commentaires, Bruxelles, Peter Lang, 2021, ISBN 978-2-87574-392-3.
Le présent ouvrage offre une traduction inédite des tragédies d’Euripide Alceste et Hécube, en plaçant le texte grec en regard du texte français. Précédées par des études critiques sur la traduction de ces œuvres et sur les œuvres elles-mêmes, ces traductions nouvelles, fondées sur une étude philologique du texte grec, visent à relancer le processus de la réception de ces tragédies en français.
Dans la langue grecque du Ve siècle avant Jésus-Christ, comme dans la littérature dramatique française, la forme poétique produit des effets immédiats sur le lecteur ou le spectateur, par ses contraintes familières et par de soudaines variations de rythme et de sonorités. La prose académique ne rend aucunement compte de la dimension musicale du vers grec, alors que le vers français est devenu, depuis les romantiques et grâce aux innovations plus récentes, un instrument d’une incomparable souplesse pour traduire avec précision.
Alceste est une tragédie d’un style unique parmi toutes les tragédies grecques qui ont été conservées. Elle se singularise par la présence de registres inhabituels, en apparence plus légers qu’à l’accoutumée, au point que certains commentateurs l’ont apparentée à tort à une tragi-comédie. Or cette œuvre présente une situation d’initiation mystique sous-jacente pour le couple que forment Alceste et son époux Admète.
Hécube nous plonge au cœur des désordres causés par la guerre aux rapports des hommes entre eux et avec le divin. Elle interroge certains aspects de la démocratie et pose la question de la place des femmes dans un monde d’hommes. En outre Hécube a fait l’objet d’une profusion de traductions qui en fait un musée de la traduction de la tragédie grecque en français.
Garnier, Bruno, « L’héritage dramatique de Jephthes de Buchanan : la conscience souffrante comme ressort tragique (1554-1692) », C. Heid, M. Deramaix, O. Pédeflous [dir.], Le Profane et le Sacré dans l’Europe latine (Ve-XVIe siècle). Paris, Classiques Garnier, 2020, p. 315-334.
La tragédie néo-latine de George Buchanan, Jephthes sive votum, publiée en 1554, bien qu’elle tire son argument du livre des Juges de
Garnier, Bruno, Hécube d’Euripide, Introduction, traduction en vers français et commentaires, édition bilingue grec – français, Bruxelles, Peter Lang, 2018.
Le présent ouvrage offre une traduction inédite de la tragédie d’Euripide Hécube, en plaçant le texte grec en regard du texte français. Cette traduction se veut une défense et une illustration de la traduction poétique de la tragédie grecque ; elle prend donc une place déterminée dans une longue série de traductions de cette œuvre et vise à relancer le processus de sa réception littéraire.
Dans la langue grecque du Ve siècle avant Jésus-Christ, comme dans la littérature dramatique française, de la Renaissance au siècle de Victor Hugo, la versification remplit une fonction consubstantielle à la tragédie et au drame romantique. La forme poétique produit des effets immédiats sur le lecteur ou le spectateur, par ses contraintes familières et par de soudaines variations de rythme et de sonorités au sein d’une versification immédiatement reconnue comme un marqueur du genre. La prose académique ne prétend pas rendre la dimension musicale du vers grec. Or le vers français est devenu, depuis les romantiques et grâce aux innovations des surréalistes, un instrument d’une incomparable souplesse pour traduire la poésie ancienne.
Par ailleurs, Hécube entretient des correspondances étonnantes avec notre époque. Les anciennes valeurs sont interrogées, certains aspects de la démocratie sont critiqués, la conduite de la guerre, cruelle aux vaincus mais dont les suites sont redoutables pour les vainqueurs, la question des femmes dans un monde d’hommes sont déjà posées. Hécube, qui figurait en tête de tous les recueils légués par l’Antiquité, a fait l’objet d’une réception dans la littérature française d’une richesse exceptionnelle, ainsi que d’une profusion de traductions qui en fait presque un musée de la traduction de la tragédie grecque en français. Pourtant, aucune ne s’était encore proposé de conjuguer forme poétique et précision philologique. Puisse le défi constitué par la présente traduction ouvrir de nouvelles voies tant pour la lecture de la tragédie grecque que pour l’exercice de sa traduction !
Garnier, Bruno, « Bochetel, Guillaume », Bruno Méniel [dir.], Écrivains juristes et juristes écrivains du Moyen Âge au siècle des Lumières, Paris, Classiques Garnier, 2016, p. 156-167.
Le présent article a pour ambition de mettre en relation les fonctions officielles de Guillaume Bochetel dans le domaine juridique et administratif, d’une part, avec son rôle dans la vie littéraire, d’autre part. C’est une ambition dont il faut souligner qu’elle se heurte à la rareté des sources. Cependant, l’articulation de ces deux domaines, parce qu’elle n’est pas sans autres exemples, loin sans faut, dans l’entourage du roi père des lettres, ni sans intérêt pour comprendre le développement contemporain et simultané du droit et des lettres sous le règne de François 1er, mérite qu’on lui consacre quelques recherches.
Quel rapport la traduction, par Bochetel, de la tragédie grecque d'Euripide, Hécube, en 1544, entretient-elle avec ses activités de juriste?
Le cas particulier de la tragédie mérite, à propos de la proximité du traducteur et du juriste, d’être souligné. La plupart des tragédies grecques contiennent des procès, depuis l’Orestie d’Eschyle, mais Euripide avait poussé cette tendance plus loin que ses prédécesseurs. Dans Hécube, le dramaturge discute du droit des vainqueurs, du sort réservé aux captives réduites en esclavage, mais il instruit également le procès de certains personnages, et notamment celui du traître Polymestor. Lorsque cet allié des Grecs, aveuglé par les aiguilles vengeresses des Troyennes, demande à Agamemnon de châtier Hécube sur-le-champ, ce dernier lui ordonne de bannir son emportement de barbare. Le traducteur français a bien compris qu’un procès, signe distinctif du monde civilisé, allait s’ouvrir à cet instant : « Contiens toy : et hors mis ceste facon de faire / Barbare, parle ainsi que tu dois : et l’affaire / Entendu comme il est, tant de toy comme d’elle, / Je rendray jugement juste de ta querelle » (Bochetel 1544, 1553-1556). Après avoir entendu d’une façon équitable les deux plaignants, comme il se doit selon le droit ancien et moderne, Agamemenon se prononce en faveur de la captive troyenne, contre le souverain thrace. Le faible a le droit pour lui, le puissant devra endurer son triste sort, telle est la différence entre la justice et la loi du plus fort. Les mots du traducteur sont éloquents : « Or afin de te faire / Mon jugement entendre : il me semble en ceci, / Que pour ma grace avoit, ne pour la cause aussi / Des Gres, tu n’as occis ton ami : mais vrayement / Afin de retenir son or tant seulement […] Endure donc aussi ce qui ne te peult plaire » (Bochetel 1544, 1696-1713). Bochetel traduit en juriste un texte qui s’y prête. Ne dit-il pas admirer surtout dans les tragédies les sentences et les arguments qu’il y trouve (« il semble que les tragicques, ainsi qu’ils surpassent tous autres escrits en haulteur de style, grandeur d’argumens, et gravité des sentences… » Bochetel, « Au roy », 1544) ? La proximité du juriste-traducteur avec le genre tragique n’explique certes pas à elle seule le choix d’Hécube. La légende troyenne et particulièrement la chute de Troie avaient inspiré deux auteurs dramatiques français du début de la Renaissance : Jacques Millet, qui composa en 1463 un mystère en quatre journées, de plus de 30 000 vers, intitulé la Destruction de Troie, et Jean Le Maire De Belges, dont les Illustrations de la Gaule et Singularités de Troie connurent un succès ininterrompu tout au long de la première moitié du XVIe siècle. À cet égard, Guillaume Bochetel présentait une œuvre dont la matière légendaire était bien connue de ses lecteurs. Mais précisément, la forme « tragédie » était susceptible de rehausser la dimension juridique de ce matériau mythique connu, en en faisant une œuvre propre à intéresser les conseillers et les lecteurs royaux qui entouraient le monarque, dont beaucoup étaient juristes.
Garnier, Bruno, « La Corse de Prosper Mérimée », Christophe Luzi, Eugène Gherardi et Didier Rey [dir.], Aere Perennius, Hommages à Antoine-Laurent Serpentini, Ajaccio, Albiana – Université di Corsica, 2015, p. 245-251.
Il y a une dizaine d’années maintenant, mon ami Antoine-Laurent Serpentini m’avait sollicité pour lui proposer un article dans le Dictionnaire historique de la Corse, dont il assurait la coordination et qui parut en effet en avril 2006. Alors maître de conférence de langue et littérature françaises, j’entrepris de travailler sur l’œuvre littéraire de Prosper Mérimée consacrée à la Corse. Le premier texte que j’avais rédigé étant bien trop développé pour tenir dans les limites d’une notice de dictionnaire, je dus le réduire de plus que de moitié. En hommage à mon regretté collègue et ami, je donne dans cet article à lire cette première version, restée inédite jusqu’à ce jour, mais profondément remaniée l’occasion de cet hommage, et qui est entièrement redevable à l’aimable commande qui m’avait été faite.